jeudi 10 août 2017

La Tour Sombre, de Nikolaj Arcel


Le dernier Pistolero, Roland Deschain, est condamné à livrer une éternelle bataille contre Walter O’Dim, alias l’Homme en noir, qu’il doit à tout prix empêcher de détruire la Tour sombre, clé de voûte de la cohésion de l’univers. Le destin de tous les mondes est en jeu, le bien et le mal vont s’affronter dans l’ultime combat, car Roland est le seul à pouvoir défendre la Tour contre l’Homme en noir…

J'ai assisté mardi soir à l'avant-première de La Tour Sombre de Nikolaj Arcel au Cap'Cinéma de Carcassonne, une production Sony Pictures, adaptée  de l'oeuvre en huit volumes de Stephen King.

Avant de vous résumer le fond de ma pensée sur ce film, il faut noter que bien que lecteur des romans et nouvelles d'Horreur de Stephen King, je n'ai jamais eu l'occasion de lire ce qui restera certainement la plus grande et la plus énigmatique oeuvre de sa vie : le cycle en 8 volume de La Tour Sombre
Ce cycle, écrit sur près de quarante ans et débuté en 1970 durant son dernier semestre à l'université du Maine, est un peu à l'ensemble des romans de Stephen King ce qu'est le Multivers et le Champion éternel à Mickaël Moorcock : le pivot central, l'Yggdrasil de l'ensemble de son oeuvre. Le récit dresse ainsi des ponts ou amène revoir des personnages apparus dans d'autres de ses récits, apportant aux lecteurs de nouveaux points de vue, informations ou interprétations sur ces romans.

Inspirée de Tolkien et de son Seigneur des anneaux, d'un poème de Robert Browning ("Le Chevalier Roland s'en vint à la Tour Noire") et du visionnage du film de Sergio Leone : "Le Bon, la Brute et le Truand" par l'auteur dans sa jeunesse, La Tour Sombre est un récit de Fantasy/Horreur à la sauce Western. Il raconte, entre autre, les aventures du Pistolero Roland et la quête de la mythique Tour Sombre, dans l'intermonde, une sorte de terre parallèle où se mêlent ruines technologiques antiques, Far West et sorcellerie. 

Alors comment, me direz vous, résumer en 1h30 ce que cet immense auteur à presque mis une demie-vie a écrire entre 1970 et 2012 ? Plusieurs studios et adaptations sous format série s'y sont d'abord cassés les dents : J.J. Abrams jette l'éponge d'une adaptation en 7 films en 2009, puis NBC et Universal Pictures annoncent, en 2010, l'adaptation des romans sous forme de 3 films et d'une série qui ne verront finalement pas le jour. C'est Sony Pictures qui reprendra le projet au point mort en 2015, avec, à sa tête, le réalisateur Nikolaj Arcel.

Alice de l'autre côté du miroir

Jake Chambers, un jeune garçon de 11 ans, un peu perturbé, fais depuis un an des rêves étranges et répétés où il voit un monde étrange et un mystérieux  homme en noir user d'enfant pour abattre une gigantesque tour. Doué pour le dessin, il immortalise sur le papier le moindre de ses rêves et parvient un jour a passer "de l'autre côté du miroir", à travers une porte rejoignant l'intermonde. Là-bas il fait la connaissance du dernier des pistoleros, Roland Deschain (Idris Elba) sorte de chevalier moderne armé de colts, et de son ennemi juré, un sorcier du nom de Walter O'Dim (Mattew McConaughey), une des multiples incarnations de l'homme en noir.


Le film est bien amené, pendant une première moitiée, par sa mise en scène et le jeu de ses acteurs. L'intrigue s'installe avec rythme. Le personnage de Jake (Tom Taylor) est convaincant dans son rôle d'adolescent perturbé par la mort de son père, mais on ne peut s'empêcher de penser à un énième récit où un enfant "différent" va se voir offrir une chance de "passer de l'autre côté du miroir", dans un univers où son potentiel va se révéler et où il va pouvoir sauver celui-ci : un syndrome d'Alice en somme. 

De l'autre côté, l'attend un monde se voulant étrange et ravagé qui ne convaint pas le public. De ce que j'ai pu en lire, dans les romans, l'univers de Roland est au bord du gouffre, la fin est proche. Pourtant jamais dans cette adaptation ce sentiment de désespoir et d'urgence émaillant les romans ne réussit à transparaître vraiment.

Le bon, le bourru et le diable

Puis viennent les protagonistes de cette histoire, Roland et l'homme en noir. Campés par d'excellents acteurs, les personnages peinent à convaincre ou à s'attirer l'empathie du spectateur, tant leur passé ou leur personnalité se résume à deux mots sur un script, c'est regrettable. Roland, héros des romans, se résume à un Pistolero/chevalier bourru aux capacités de tir incroyables. Face à lui, Walter, sorte de sorcier bellâtre en veste noire, doué pour la pyromancie, la télékinésie et les mots de pouvoirs (meurs… ne respire plus… saute…) a pour seul but est de détruire l'univers… juste parce que. Sans vouloir spoilé… n'est ce pas plutôt le rôle du Roi Cramoisi dans les romans ?

Celui qui vise avec sa main a oublié le visage de son père...

Une chose frappe à la vue de ce ce film. Comment, à l'époque des série à succès et à gros budget, des chaines de vidéo à la demande, et alors que les modèles de consommations cinématographiques/télévisuels ont changés, un studio a-t-il pu choisir de se lancer dans l'adaptation d'une telle oeuvre, quelque peu résumée en 1h30 ?

Sans avoir lu les romans, tenant compte des résumés de ceux-ci, je pense que nous sommes bien loin du récit écrit par Stephen King . Malheureusement le studio, les scénaristes et le réalisateur ont quelque peu fait l'impasse sur ce qui donnait corps et âme à cette oeuvre. A trop vouloir la résumer, la condenser et la rendre accessible au tout public en 1h30 peut-être ont-ils oublié l'essence que lui a donné son auteur.

Le film m'a clairement laissé sur ma faim. Le trailer était pourtant alléchant, avec un duo d'acteurs d'une certaine stature se faisant face : Idris Elba dans le rôle de Roland Deschain, le dernier pistolero   et Matthew McConaughey incarnant son ennemi juré : Walter O'dim, alias l'homme en noir. Mais trop de vide et trop de choses résumées laissent le spectateur au pied de la tour ! Pourquoi ne pas avoir fait le choix d'adapter une telle oeuvre dans le format série ?

Le film n'est pas mauvais en soit : on peut passer un bon moment. Les personnages et le postulat sont intéressants. La première moitié du film est bien rythmée mais une fois parvenu dans l'intermonde (censé être Western Fantastique) l'alchimie n'agit plus. On ne se prend pas d'empathie pour les personnages et l'ambiance ne s'installe pas. La fameuse Tour sombre est juste entrevue 3 secondes dans le film lorsqu'elle est attaquée.

Il y a cette regrettable impression de voir un téléfilm pilote, avec un scénario (très) librement inspiré des romans et ouvrant de large portes à une suite. Suite qui ne se fera que si ce volet rencontre un succès lors de sa sortie. Le film demeurera une sorte d'OFNI (objet filmique non identifié), un récit fantastique distrayant, pseudo western, mais qui ne rendra certainement pas grâce à l'oeuvre de King, du moins pas sous cette forme.

Lord Kavern

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